Le Figaro. - Taux de chômage en baisse, inscriptions à Pôle emploi en dents de scie... L’inversion de la courbe du chômage, promise par le président Hollande, elle est là ?
Jean-Claude Mailly. - Je crois surtout que nous sommes dans une période fragile de stabilisation du chômage. Rien, à commencer par l’inversion de la courbe, n’est définitif à partir du moment où une partie des emplois créés sont précaires et que beaucoup de personnes sans emploi - on l’a vu avec la progression du halo du chômage - ne sont pas incitées à rechercher un emploi.
Pourtant, le chef de l’État a ouvert grandes les vannes du traitement social du chômage : plan formation, contrats aidés, emplois d ’avenir, garantie jeunes, service civique... II dilapide donc l’argent public pour rien ?
Il multiplie, comme beaucoup avant lui, les contrats aidés pour atteindre ses objectifs. Tant que la croissance ne sera pas sur une tendance annuelle de 1,6 %, on n’inversera pas durablement et sérieusement la courbe du chômage.
Meeting commun avec la CGT le 7 septembre à Nantes, mobilisation unitaire le 15 : vous repartez à l’attaque de la loi travail. Pourquoi un tel acharnement alors qu’il ne reste plus grand-chose dans ce texte ?
C’est faux. Cette loi est un ratage complet sur la forme et le fond. François Hollande est le président qui a le plus parlé du dialogue social mais qui l’a le moins pratiqué. On n ’a jamais reçu de document d ’orientation sur ce texte et le gouvernement est : passé en force avec le 49.3 à trois reprises alors que l’opinion, les parlementaires et la majorité des syndicats étaient contre le projet de loi présenté. Le problème clé est celui de l’inversion de la hiérarchie des normes, sur lequel le gouvernement a un peu corrigé le tir, mais qui démarre avec cette loi sur le droit du travail alors que s’ouvre un chantier de deux ans de refonte du Code du travail. Le combat continue : la porte de l’inversion est ouverte pour aller au-delà et on ne va pas se taire, même si la loi a été votée et promulguée.
Vous allez porter la contestation sur le terrain juridique...
Nos équipes juridiques y travaillent, à trois niveaux : d’abord sur des questions de constitutionnalité de certains points précis du texte sur lesquels le Conseil constitutionnel - qui ne s’est prononcé que sur la constitutionnalité des articles qui lui étaient soumis - a laissé une page blanche ; mais aussi sur la conformité de la loi avec la justice européenne, et des problèmes d’application, via des recours individuels qui remonteront à terme jusqu’à la Cour de cassation. Ce sera long mais la bataille de 4 mois que nous avons vécue, inédite sous un gouvernement de gauche et avec beaucoup de colère rentrée, d’amertume, de frustration, va continuer.
Dans son interview à L’Express, Manuel Valls dit que les entreprises ont joué le jeu » du pacte de responsabilité.
A l’écouter, vous êtes les seuls avec la CGT à bloquer le redressement du pays. Que lui répondez-vous ? Le premier ministre a une dialectique particulière. Les entreprises ont forcément joué le jeu puisqu’il leur était impossible de prendre des engagements précis de recrutement sur une aide générale. L’erreur de l’exécutif a été d ’aborder la question de la compétitivité sous l’angle quantitatif, avec le CICE et le pacte de responsabilité, puis qualitatif avec la loi travail. Le taux de marge des entreprises s’est certes redressé mais il n’a jamais été démontré que ce genre de mesures est créateur d ’emplois.